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Actualités 19 avril 2013

Le rôle de l’entreprise au sein de son territoire

L’Université de Pays Horte-et-Tardoire accueillait le 10 avril à Chazelles le prospectiviste André-Yves-Portnoff, directeur de l’Observatoire de la révolution de l’intelligence et conseiller scientifique au groupe Futuribles. Enrichi du témoignage de plusieurs chefs d’entreprise charentais, son exposé s’est focalisé sur les bonnes pratiques en matière d’implication des entreprises dans leur territoire.

Quel rôle pour les entreprises dans le développement d’un territoire ? Quels types d’échanges seront vertueux entre l’entreprise et son milieu ? « Une des parties les plus importantes dans le capital d’un territoire est sa capacité à créer de la valeur... Oui mais de la valeur pour qui ? Pour 1% des habitants ou pour tous ?  ». Et de citer une récente étude sur le bien-être au travail qui isolait trois points essentiels au bien-être au travail, et donc à la capacité de créer de la valeur : « Ces trois points sont gagner suffisamment, disposer d’un épanouissement personnel et disposer d’un lien social riche et intéressant  ».

« Créer de la valeur, c’est créer une rencontre pertinente  »
C’est ce 3e point qui intéresse particulièrement le prospectiviste : la capacité des hommes d’un territoire à faire lien entre eux. C’est sous ce prisme que se trouve la clé de la réussite : « Les entreprises valables pour un territoire sont celles qui savent afficher une vision de long terme, dans le respect des salariés, fournisseurs et clients » avec une véritable capacité à travailler ensemble non seulement pour soi-même mais pour l’intérêt général. « C’est en développant son empathie pour les autres que l’on peut développer de la valeur : si je suis capable d’imaginer ce qui fait valeur pour vous, je serai capable d’imaginer le produit que vous êtes prêt à acheter » décrypte le prospectiviste. « Créer de la valeur, c’est créer une rencontre pertinente. L’Etat devrait apprendre à tous à travailler ensemble, individus, collectivités et entreprises. Or en France, l’école inculque le contraire : la compétition permanente ».

Opposant les entreprises « financiarisées » qui prennent toutes leurs décisions loin des territoires où elles opèrent et celles dont les dirigeants habitent le territoire, il a rappelé que les études montraient « que les SCOP ou les entreprises familiales se développaient plus que la moyenne des sociétés cotées ». Il a invité le pouvoir politique à mieux s’adresser aux entreprises privées et l’Etat à mieux gérer le secteur public, avant de conclure que face à la perte actuelle de repères, il convenait de « s’appuyer sur nos valeurs européennes pour permettre le redressement économique ». Valeurs européennes qu’il synthétisa ainsi : « La créativité demande de la diversité dans la tolérance ».

André-Yves-Portnoff et les chefs d’entreprise appelés à témoigner

Un message parfaitement reçu par les entrepreneurs présents sur l’estrade : Marc Vagogne pour Degorce (chaussons à Marthon), Jean-Michel Rives pour Visvivo (traitement de surface pour l’industrie à L’Isle-d’Espagnac), Frédéric Lippi pour Lippi (clôtures à Mouthiers), Eric Boulesteix pour Boulesteix Charpente (charpentes à Rouzède), qui avaient tous pour point commun d’être de ceux mettant en oeuvre cette approche humaine et localement impliquée de l’entreprise.

N.G.

Verbatim :

Marc Vagogne a repris Degorce il y a 2 mois : « Degorce est une entreprise historique, très ancrée dans son territoire, faisant vivre 50 personnes dont certaines vivent en couple. Mon projet est évidemment de pérenniser cela, de ne pas délocaliser quoi que ce soit. La principale problématique actuellement est celle du renouvellement des travailleurs (la moyenne d’âge des salariés est de 50 ans). Or comment intéresser des jeunes pour venir à Marthon sur des produits tels que les charentaises ? Il faut sans doute jouer sur la qualité de vie au sein du territoire et développer les produits pour les rendre plus attrayants (conception) et plus visibles (canaux de distribution).
Pour en revenir à la notion de lien local évoqué par M. Portnoff, je crois beaucoup à des synergies avec les autres producteurs charentais. Dans un contexte où sur 48 millions de chaussons vendus annuellement en France, seulement 4,2 millions sont produits dans l’Hexagone, mes concurrents, ce sont les Chinois (voire les Méditerranéens), pas les Charentais ! Le peu de fabricants locaux qui restent doivent s’entendre. Le renouvellement des dirigeants du secteur devrait aider, car nous sommes tous allés à la même école, celle du 1+1=3
 ».

Jean-Michel Rives a repris deux entreprises industrielles au tribunal de commerce il y a 3 ans pour constituer le groupe Visvivo : « Après la reprise, nous avons vécu deux situations diamétralement opposées sur chacune des structures. La première avait vécu une petite période de redressement, en conservant tout le temps de l’activité. Elle est très vite redevenue rentable car c’était une pépite industrielle incroyable avec des hommes compétents et habitués à travailler ensemble ayant toujours continué à travailler.
L’autre entité avait eu un parcours plus difficile, avec 2 ans de redressement et une grosse destruction de valeur. Cette équipe là ne croyait plus en l’avenir, ni aux repreneurs, ni en elle ni en ses collègues. Nous avons alors été confrontés à des comportements paranoïaques, à un manque de communication, à de la rétention d’information en interne.
Deux ans plus tard, ce phénomène est aujourd’hui totalement résorbé et le nouveau groupe a acquis son identité propre mais cette expérience montre bien toute la force positive que peut déployer l’être humain quand il a envie d’en jouer et toute la force destructrice qu’il peut développer quand il est mal canalisé. Aujourd’hui, dans un contexte où l’être humain est la denrée rare qui nous manque le plus, nous avons réussi à passer de 22 à 34 personnes en 3 ans, uniquement par cooptation. Grâce à des salariés et des clients sachant prendre des risques, et des administrations à l’état d’esprit ouvert
 ».

Frédéric Lippi dirige avec son frère Julien l’entreprise familiale : « L’exposé d’André-Yves Portnoff est juste quand il désigne l’entreprise comme étant porteuse d’une triple responsabilité (créer les conditions de création de la richesse, assurer une redistribution juste de la valeur, respecter les agents humains internes et externes). Mais je veux aussi souligner la responsabilité individuelle : on ne change pas la trajectoire d’une entreprise si le salarié ne change pas sa trajectoire, n’est pas capable de remise en question. On ne peut pas voir un territoire se développer si les destinées individuelles restent immobiles.
De même, la responsabilité de la collectivité territoriale est primordiale en matière de développement économique : sur les infrastructures structurantes, l’aménagement de la cohérence territoriale, les subventions à l’économie. Aujourd’hui sur ces points, les entrepreneurs ne sont guère consultés par le politique
 ».



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