Accueil > Actualités > Avis d’experts > Incertitudes géo-économiques et croissance, la chronique de Sophie Nivoix
Incertitudes géo-économiques et croissance, la chronique de Sophie Nivoix

Les entreprises doivent en permanence s’adapter à la conjoncture économique et aux contraintes qu’elle génère. Il est cependant des périodes plus délicates que d’autres, et c’est justement ce que nous vivons actuellement.
Au plan international, il a été vérifié que sur le long terme il existe une corrélation positive entre l’incertitude liée aux politiques économiques et la croissance du PIB (Morales, Andreosso-O’Callaghan et Rajmil, 2025 [1]). En effet, plus la conjoncture économique est stable, plus les conditions nécessaires à la croissance sont présentes. En revanche, les sources d’incertitude géo-économique constituent autant de freins au bon développement des entreprises et des pays. L’absence d’incertitude n’a certes jamais existé, mais en ce milieu de décennie 2020 l’accumulation de celles-ci se révèle particulièrement lourde.
De plus, c’est la conjonction de plusieurs types de risques qui caractérise la situation présente, et non pas la survenue d’un événement majeur dominant les autres enjeux. Au contraire par exemple, la crise des subprimes en 2008 fut un choc qui s’est étendu d’un contexte immobilier américain à l’ensemble de la planète pour devenir une crise globale de crédit. De même plus récemment, la crise du Covid-19 en 2020 a déferlé sur l’ensemble des pays, mettant au passage toutes les économies au ralenti, et certaines entreprises sous perfusion. Les ambitions de protection de l’environnement furent alors reléguées au second plan sans grande émotion, la crise dominante emportant tout sur son passage.
Le casse-tête de la hiérarchisation des priorités
Les acteurs économiques doivent aujourd’hui gérer plusieurs incertitudes, qui sont chacune ressenties comme des urgences incompatibles entre elles.
Les enjeux de transition énergétique se heurtent aux coûts de production de l’énergie… qui se répercutent sur les prix de vente des produits et services.
La recherche de fournisseurs bon marché rend problématique l’allongement des chaînes logistiques à l’international en période de tensions géopolitiques.
La recherche de nouveaux débouchés bute sur la perception de certains pays considérés comme inamicaux.
Les hausses de la fiscalité s’avèrent inévitables en cas de déficits publics trop élevés.
L’autonomie énergétique, alimentaire ou technologique demande davantage d’investissements dans le cadre national.
La souveraineté stratégique et militaire nécessite une réorientation de financements vers les secteurs concernés, au détriment d’autres...
Sans multiplier les exemples outre mesure, on peut remarquer que la hiérarchisation des priorités relève souvent de l’impossible, tant pour les entreprises que pour les Etats. Ainsi, les objectifs de développement durable 2030 des Nations Unies semblent déjà en partie oubliés, et les échéances de transition énergétique repoussées, voire effacées selon les pays.
Comme souvent, les plus petites structures économiques présentent une plus grande fragilité, financière ou commerciale, et elles risquent d’être les premières à pâtir du faisceau de contraintes actuelles.
N’oublions cependant pas que la bonne santé économique ne résulte pas d’un jeu à somme nulle : les difficultés des uns finissent par affaiblir les autres, et la vitalité de chacun peut profiter aux autres. Cela se vérifie aussi bien dans un secteur d’activité, à l’échelle d’un pays ou de la planète.
Sophie Nivoix, Professeure en Sciences de Gestion, Université de Poitiers
sophie.nivoix@univ-poitiers.fr
[1] L. Morale, B. Andreosso-O’Callaghan et D. Rajmil, 2025, Geoeconomics and the sustainable development goals, Routledge.