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Actualités 10 juin 2013

Pascal Madry (Procos) : "Le modèle de croissance commerciale extensive a vécu"

Le Syndicat mixte de l’Angoumois organisait le 29 mai une table ronde publique sur le thème du commerce dans le cadre du Scot en cours d’élaboration. Invité de marque de cette soirée tenue dans des Ateliers Magelis bondés : Pascal Madry, directeur de la Fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé (Procos) et à la tête de l’Institut pour la ville et le commerce.

Pascal Madry est directeur à Procos et à l’Institut pour la ville et le commerce.
© 2013 Le Petit Economiste

La rencontre avec Pascal Madry ravit. Voici enfin un spécialiste qui ne connaît pas la langue de bois, et dont le message a d’autant plus de poids qu’elle émane d’un représentant de la grande distribution spécialisée. En effet, dans le grand débat angoumoisin du moment -l’extension de la zone des Montagnes-, Pascal Madry donne plutôt des arguments aux commerçants du centre-ville.

La course à l’échalote à bout de souffle

Pour lui, « le modèle économique de la grande distribution, fondé sur une croissance extensive de ses parcs, arrive à bout de souffle ». Tous les indicateurs statistiques sont au rouge, montrant la saturation d’un modèle paradoxal voyant « les distributeurs réagir à la baisse des achats par plus d’ouvertures de magasins ». « Le triptyque grande distribution-promoteurs-élus a très bien fonctionné jusqu’à il y a une quinzaine d’années. Il s’est même emballé : Sur un parc français global de 130 millions de m2, 65 millions ont été créés depuis 1974, dont 30 millions sur ces 10 dernières années ! Du fait de la course permanente après les économies d’échelle, qui sont l’essence même du modèle ».

Une course à l’échalote qui, avant d’arriver en bout de piste, s’est trouvée artificiellement maintenue au-delà de ce que la demande peut absorber, par les promoteurs d’immobilier commercial. « Ces dernières années ont vu la création de 10 millions de m2, et on en compte encore 4 millions dans les tuyaux » illustre Pascal Madry. Les élus ont évidemment une responsabilité de premier plan. « Les collectivités n’ont jamais autant produit que maintenant, même si pour la première fois depuis 15 ans, on relève une diminution du nombre de projets qui signe la fin du modèle ».

L’exemple angoumoisin est représentatif comme tant d’autres de cette fin de cycle : « Dans les années fastes, les grandes enseignes franchisées ne venaient pas sur les bassins de 45.000 habitants, avant d’en rêver, d’y venir pour aujourd’hui en repartir déçues, dans un contexte où le CA par m2 stagne et où les coûts immobiliers eux continuent de progresser de 3 à 4% par an » analyse Pascal Madry qui considère des ouvertures à Angoulême telles que Monoprix ou Nature et Découvertes comme « des erreurs dès l’origine ».

Les Ateliers Magelis ont fait salle comble sur ce sujet sensible, une semaine avant une autre réunion épique à l’Espace Franquin le 5 juin.
© 2013 Le Petit Economiste

Le changement de paradigme est apprécié diversement par les membres de Procos : « Certains comme Intersport continuent comme avant la politique de nombreuses créations. D’autres négocient à la baisse leurs coûts locatifs, réussissant à obtenir le plus souvent entre 10 et 20% de remise. D’autres enfin déploient pour la première fois des fermetures, comme Darty qui fermera 5 unités cette année ».

L’arrivée des Scot et de leur corollaire les DAC (document d’aménagement commercial : celui du Scot de l’Angoumois ici) ne gêne pas en soi les enseignes dont « la première demande est la sécurité juridique de l’environnement d’implantation ». « Elles craignent surtout les DAC extrêmes dans un sens ou dans l’autre, qu’ils soient malthusiens comme à Brest ou Chambéry, ou trop « mous » avec peu de détails ».

Penser « urbanisme » et pas seulement « commerce »

Pascal Madry met en garde : « Il n’existe pas de bon DAC sans un périmètre pertinent de consommation. Ne pas intégrer le périurbain par exemple serait une hérésie ». Cette évidence n’est pas toujours mise en œuvre dans des documents issus de négociations entre élus qui encore trop souvent sont dans une logique de compétition entre territoires voisins.

« C’est regrettable de constater que la plupart des DAC sont aujourd’hui toujours réalisés dans cette conception ancienne du toujours plus. Les enjeux des années à venir ne consistent pas à gérer un agrandissement sans fin mais bien de reconvertir et requalifier l’existant ». Il se réjouit par contre que le Scot ait un règlement « qui enfin fait rentrer le commerce dans la question de l’urbanisme ».

Pour autant, la progression de ces 15 dernières années se traduit désormais par une hausse de la vacance (m2 commerciaux inutilisés), et celle-ci touche avant tout le petit commerce de centre-ville, passant de 6% en 2001 à 7% en 2012 en France (Angoulême est dans la moyenne, avec 5% hors Champ-de-Mars et 6% avec).

Philippe Vergnaud, boulanger-pâtissier dans le quartier angoumoisin St-Cybard, conseiller municipal d’opposition, représentant de l’Association pour l’équilibre commercial du territoire de la Charente (petit commerce de centre-ville), milite infatigablement contre l’extension à marche forcée de la zone des Montagnes.
© 2013 Le Petit Economiste

Face au tournant actuel, et quand, comme à Angoulême, il est confronté à d’énièmes extensions de la périphérie, que peut faire le petit commerce de centre-ville ? Se différencier dans la qualité de l’accueil et du service, c’est déjà fait. Monter des animations aussi. Se donner une meilleure visibilité, c’est en cours avec la création de l’Office des commerçants qui ouvre sa boutique rue Hergé.

Creuser la veine purement urbaine devrait en être une autre, suggère Pascal Madry lorsque Philippe Vergnaud, représentant du petit commerce de proximité, lui demande quels axes devrait développer le nouvel Office : « Je vais peut-être vous étonner, mais je pense que c’est avant tout une question d’aménagement urbain, et non commercial. Selon les études Procos, le centre-ville est le lieu où l’on se rend le moins pour le commerce à lui seul. On va d’abord dans le centre pour voir des amis, aller au travail, visiter la ville... PUIS on va dans les commerces. Angoulême dispose d’un patrimoine ancien et exceptionnel qu’elle devrait s’attacher à mieux valoriser d’un point de vue urbain et touristique » recommande-t-il, suggérant à la ville de profiter de son retard en ce domaine pour faire de grandes choses.

- Lancée le 3 juin, l’enquête publique sur le Scot est ouverte jusqu’au 5 juillet.

Plus sur le web :
- www.scotangoumois.fr
- www.procos.org
- www.institut-ville-commerce.fr

Niels Goumy

Portrait-robot d’Angoulême
Pour Procos, la fédération des grandes enseignes spécialisées, Angoulême est « un point noir qu’il convient aujourd’hui d’éviter absolument ». Avec 300 commerces de centre-ville et 400 en périphérie, le tout pour 45.000 habitants, l’agglomération angoumoisine affiche un taux d’enseignes franchisées de grandes marques de 40% au lieu de 30% à bassin comparable. Les commerces de centre-ville sont peu nombreux et l’offre compacte, tandis que le commerce de périphérie draine 75% du chiffre d’affaires total, au lieu de 60% à bassin comparable ! « Nos études basées sur le chiffre d’affaires des grandes surfaces de distribution alimentaire -considérées comme représentatives de toute la consommation commerciale- montrent que les enseignes de l’agglomération fournissent un marché dimensionné pour 180.000 habitants. Or, il n’y a que 140.000 habitants dans le périmètre du Scot. On est donc bien à la jauge » explique Pascal Madry. Une situation qui permet de mieux comprendre aussi bien l’échec du centre commercial du Champ-de-Mars (en centre-ville) que l’inquiétude des petits commerçants du centre face à l’extension en cours de la zone des Montagnes (périphérie Nord).

L’impact d’Internet
Selon différentes études récentes, la part d’Internet dans le commerce devrait se stabiliser entre 20 et 24% de l’activité. « Au rythme actuel de la création de surface commerciale, cela représenterait 25 à 30 millions de m2 en trop en 2020 » met en garde Pascal Madry.



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